LE MORNE-AU-DIABLE by Eugène Sue

LE MORNE-AU-DIABLE by Eugène Sue

Auteur:Eugène Sue [Sue, Eugène]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Romans
Éditeur: Les Bourlapapey Bibliothèque numérique romande
Publié: 2012-12-07T18:23:34+00:00


CHAPITRE XX.

Le départ.

L’esprit de Croustillac était trop mobile et trop aventureux pour s’appesantir longtemps sur de craintives et tristes pensées ; il fit le raisonnement suivant : « Ce jourd’hui, comme toujours, j’ai peu ou prou à perdre ; si je parviens à sortir de la maison, je continue de passer pour le milord duc et je suis traité en prince jusqu’à ce qu’on s’aperçoive de ma supercherie ; alors je redeviens Gros-Jean comme devant, et j’ai rendu un grand service à cette jolie petite Barbe-Bleue qui s’est moquée de moi, mais qui m’a ensorcelé, car elle m’intéresse plus que je ne voudrais, plus qu’elle ne le mérite peut-être ; car, malgré son amour pour ce mari invisible, elle m’a paru furieusement tendre avec le boucanier et cet autre animal d’anthropophage. Enfin, il n’importe… si c’est mon caprice de me dévouer pour cette petite femme ? j’en suis bien le maître ; oui… mais si au contraire je ne puis sortir de céans ? mais si le Caraïbe s’en mêle ? ça se gâte… il est clair que je suis tué comme un chien par cet épais Flamand. Comment donc faire pour échapper à cet inconvénient ? Dire maintenant à l’homme au poignard que je ne suis pas son milord duc ?… cela me sauverait peut-être… Mais non, non, ce serait une lâcheté et de plus une lâcheté inutile, car, pour m’empêcher de jeter l’alarme dans la maison, ce buveur de bière m’expédierait immédiatement… Oui, oui… malgré ma parole de gentilhomme de ne pas chercher à m’échapper, il me serre toujours de près. Mordioux ! que cet homme-là est donc ridicule avec son poignard… Bah !… son poignard… il ne me tuera qu’une fois, après tout. Allons, courage… courage, Croustillac… et surtout ne réfléchis pas, cela te porte malheur ; tu ne fais jamais de plus lourdes sottises, de plus énormes bévues que lorsque tu raisonnes… Abandonne-toi à ton étoile, comme toujours ferme les yeux, et va de l’avant. »

Raffermi par cette belle logique, le chevalier reprit tout haut :

– Eh bien, monsieur, puisqu’il faut absolument passer par la maison pour sortir d’ici… marchons.

– Monseigneur, dit le colonel après un moment d’hésitation, vous m’avez donné votre parole de gentilhomme de ne pas vous échapper.

– Oui, monsieur.

– Mais vos gens peuvent vouloir vous délivrer ?

– Ma vie est entre vos mains, monsieur, vous avez ma parole ; je ne puis rien de plus.

– C’est juste, monseigneur… mais alors, dans votre intérêt, prévenez vos esclaves que leur moindre tentative contre moi vous coûterait la vie, car j’ai juré aussi, moi, de vous emmener mort ou vif.

– Ce ne sera pas ma faute, monsieur, si vous ne tenez pas votre serment… Marchons…

Et le chevalier et le colonel s’avancèrent vers la maison.

Rutler tenait le bras de Croustillac sous son bras gauche, et avait toujours la main sur son poignard ; non qu’il doutât de la parole de son prisonnier, mais les esclaves du Morne-au-Diable pourraient vouloir délivrer leur maître.

Croustillac et Rutler n’étaient plus qu’à



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